Lorenzino, Lorenzetta, Renzo, Renzino : Musset module à l'infini les surnoms et les masques pour désigner Lorenzo de Médicis, androgyne à l'aspect maladif qui nourrit en secret un projet terrible. Lorenzaccio, cousin et favori du duc Alexandre, est un modèle de débauche qui a pourtant ses entrées chez ceux qui la déplorent. Il sait que son acte, désespéré mais nécessaire sur le plan privé, sera récupéré par le flux, transformé en geste public dérisoire sur le plan universel. De tirades cyniques en monologues poignants, Musset trace les contours d'une silhouette fantasmagorique qui se détache d'une Florence en pleine déchéance. Pris au piège de son jeu bien plus qu'Hamlet, Lorenzaccio cultive son drame. Non pas comme d'autres romantiques cultivent leur mélancolie, mais parce que c'est le seul lien qui lui reste avec la réalité.
Musset, après l'échec cuisant de La Nuit vénitienne, décide de composer ses pièces sans les faire jouer. Son oeuvre sera donc un théâtre de spectres et de visions fugitives où l'individu fait place à des types humains participant à l'histoire, modelée à souhait par un enfant, non pas du siècle mais de tous les temps.